Lutte contre l’Habitat Indigne : ce qu'il faut retenir de la nouvelle ordonnance.

La lutte contre l’habitat indigne est un sujet de préoccupation majeur dans la politique de l’habitat, et particulièrement à Marseille, où les logements insalubres et indécents sont malheureusement trop nombreux.

La lutte contre l’habitat indigne recouvre toutes les situations de logements exposant leurs occupants ou des tiers à des risques pour leur santé ou leur sécurité. Le 10 novembre dernier avait lieu un webinaire organisé par l’ADIL des Bouches-du-Rhône à la suite de la nouvelle ordonnance et des mesures d’harmonisation et de simplification des polices.

Parmi tout ce qui s’y est dit, nous avons retenu quelques passages importants qui méritent d’être écrits dans le marbre.

La répartition des pouvoirs : à qui s’adresser pour dénoncer un habitat indigne ?

Le pouvoir de décision en cas de lutte contre l’habitat indigne est réparti entre le Maire de votre ville et le Préfet.

Vous devez contacter le maire de votre ville en cas de :

  • Péril ordinaire
  • Dysfonctionnement d’équipement commun
  • Urgence (fonctionnement défectueux ou un défaut d’entretien de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou à compromettre gravement leurs conditions d’habitation)
  • Entreposage de substances explosives ou inflammables
  • Risque d’incendie et de panique dans les Etablissements Recevant du Public (ERP)

Vous devez contacter le Préfet en cas de :

  • Locaux impropres à l’habitation
  • Surpopulation du fait du logeur
  • Locaux dangereux par l’utilisation qui en est faite
  • Périmètre insalubre
  • Déclaration d’insalubrité + urgence
  • Saturnisme (revêtement dégradé contenant du plomb à des concentrations supérieures aux seuils réglementaires si risque d’intoxication de femme enceinte ou mineur)

Le préfet peut aussi déléguer la gestion de l’insalubrité au maire (sauf procédure d’urgence).

La définition de l’insalubrité va changer à partir du 1er janvier 2021 :

« Tout local, installation, bien immeuble ou groupe de locaux, d’installations ou de biens immeubles, vacant ou non, qui constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé, exploité ou utilisé, un danger ou risque pour la santé ou la sécurité physique des personnes est insalubre.

La présence de revêtements dégradés contenant du plomb à des concentrations supérieures aux seuils et aux conditions mentionnés à l’article L. 1334-2 rend un local insalubre. »

La saisine du tribunal pour désignation d’un expert n’est plus obligatoire

Les modalités de désignation d’un expert vont évoluer. Avant, la saisine du Tribunal administratif pour obtenir la désignation d’un expert était un préalable obligatoire à la prise d’un arrêté de péril imminent. Et en cas d’extrême urgence, le maire prenait lui-même la décision d’agir.

Désormais, la saisine du tribunal n’est plus qu’une simple possibilité, et ce, quelle que soit la gravité du risque. Il faut également noter que lorsque la procédure relève du préfet (insalubrité), il n’y a pas besoin d’expert judiciaire.

À noter que pour des villes comme Marseille où il existe beaucoup d’ingénieurs compétents pour ces domaines, il n’y a pas forcément besoin d’avoir recours à un expert judiciaire, ce qui permet d’augmenter les contrôles. Les communes qui ne sont pas pourvues d’ingénieurs sont davantage enclines à saisir le Tribunal.

Quelles sont les modalités de visite d’un expert, maire ou préfet ?

Les visites du lieu d’habitation sont possibles uniquement entre 6h et 21h. Et désormais, en cas de refus de visite ou de difficulté d’accès par l’interlocuteur, il faut saisir le juge des libertés et de la détention.

Déroulement de la procédure de lutte contre l’habitat indigne

Si vous faites appel à un expert, il dispose de 24 heures à compter de sa désignation pour se prononcer et doit :

  • Examiner les bâtiments
  • Dresser un constat de l’état des bâtiments y compris les bâtiments mitoyens
  • Proposer des mesures pour mettre fin au danger

Qu’il s’agisse d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, la procédure est la même :

  • Procédure contradictoire préalable avec la personne tenue d’exécuter les mesures (le propriétaire ou le syndic, si syndicat il y a), sauf en cas de procédure d’urgence (péril imminent)
  • Prescription des mesures dans le délai imparti :
    • Réparation ou autre mesure de manière à remédier à la situation ou au moins préserver la solidité ou la salubrité des bâtiments contigus
    • La démolition de tout ou partie de l’immeuble
    • La cessation de la mise à disposition du logement/immeuble
    • L’interdiction d’habiter, d’utiliser, ou d’accéder aux lieux, à titre temporaire ou définitif (définitif que si le coût des travaux est supérieur au coût de la démolition ou si impossibilité technique de faire autrement)

Après la procédure, il y a 4 issues possibles :

  • Il n’y a rien
  • Il y a un arrêté de péril non imminent
  • Il y a un arrêté de péril imminent
  • Un arrêté d’insalubrité urgent peut être déclaré

Si l’arrêté est prononcé, il y a encore une fois 5 issues possibles :

  • La procédure concerne une partie privative, auquel cas le propriétaire et l’occupant seront notifiés
  • La procédure concerne une partie commune, auquel cas le syndic sera notifié
  • Mise en place d’un affichage en façade
  • Publication aux hypothèques
  • Transmission de la procédure au préfet, aux organismes payeurs, aux FSL, au Procureur, au tribunal du commerce en cas d’hôtel, etc.

Ensuite, il y a 2 manières de faire appliquer les mesures correctives nécessaires. La première est de mettre en place une astreinte proportionnelle à l’ampleur des travaux (ne peut pas dépasser 1000 euros par jour). Dans ce cas, l’argent revient à la Mairie si le Maire est impliqué ou à l’ANAH si le préfet est impliqué.

Quelles sont les conséquences de l’application d’une procédure de lutte contre l’habitat indigne ?

 

Désormais, les occupants sont protégés dès le début, même en cas de procédure d’urgence. Voici les 3 conséquences de l’application de la procédure pour les occupants :

  • Cessation des loyers à compter du 1er jour du mois qui suit l’envoi de l’arrêté jusqu’au 1er jour du mois suivant l’arrêté de cessation.
  • Suspension des aides au logement
  • Obligation d’être relogé en cas d’insalubrité ou si le logement est temporairement inhabitable durant les travaux

Les conséquences sur les baux sont les suivantes :

  • En cas d’interdiction d’habiter : les baux se poursuivent jusqu’à leur terme ou jusqu’à la date fixée pour procéder au relogement des occupants.
  • En cas d’interdiction mais d’obligation de faire des travaux : les baux sont prolongés de la durée équivalente entre l’arrêté de péril/d’insalubrité jusqu’à l’arrêté de mainlevée

Pour la gestion locative, il n’y a pas de suspension de loyer en cas d’obligation de faire des travaux pour le plomb ou si la mesure a été prise à l’encontre du locataire (par exemple, en cas de surpopulation).

Le cas de la procédure d’urgence

Avant, quand le maire intervenait en extrême urgence en cas d’atteinte à la sécurité des personnes et des occupants, les frais nécessaires à la suppression du péril grave et imminent étaient supportés par la commune qui devait reloger les occupants sans recouvrement possible.

Désormais, Il n’y a plus de procédure d’extrême urgence mais seulement une procédure d’urgence. Tout cela est rendu possible du fait que la désignation d’un expert soit devenue facultative.

Le maire peut donc prendre par arrêté de péril imminent (et pour rappel non-contradictoire pour celui-ci) les mesures indispensables pour faire cesser ce danger dans un délai qu’il fixe. La protection des occupants commence donc dès l’arrêté.

En cas de demande de démolition, l’autorisation du juge est nécessaire et aucune autre mesure ne doit permettre d’écarter le danger. Il faut saisir le juge en la forme des référés (maintenant appelé procédure accélérée au fond) afin d’avoir un jugement définitif (car les procédures d’urgence sont toutes contestables et doivent être approuvées par une décision au fond).

 

 

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