Et vous, comment gérez-vous l'aléa dans l’immobilier ?
- Mes conseils pour investir en immobilier à Marseille
- 02 mars 2018 | Stéphane Pujol
Récemment, j’ai passé tout un week-end à rédiger des conclusions pour un litige sur des travaux de parquets dans mes bureaux ! Les parquets s’étaient décollés de plus de 15 cm, moins de 3 mois après leur pose. Nous sommes en procédure depuis 6 ans. Le week-end précendent j’avais déjà travaillé pour une de mes copropriétés qui est engagée dans une procédure depuis 8 ans contre son promoteur. Les arguments des parties adverses m’avaient fait enrager. Ces deux dossiers m’ont donné envie d’aborder la notion de l’aléa dans l’immobilier car ils deviennent de plus en plus insupportables.
1er aléa : l’aléa technique
Malgré notre système de sélection au sein de l’agence et les protections légales habituelles, le choix du prestataire est toujours soumis à un aléa. L’homme fait des erreurs. C’est ainsi, et en particulier sur les chantiers. Que ce soit par fainéantise ou par incompétence, le prestataire laisse passer une malfaçon tôt ou tard. C’est quelque chose d’humain. C’est in-maitrisable. Dans un monde utopique, nous mettrions un contre-maître/contrôleur derrière chaque intervenant… mais ce n’est pas possible… et ce n’est peut-être pas désirable non plus. Car qui aime être contrôler à chaque instant ?
Il faut donc choisir les entreprises les plus compétentes possibles et se fier à la relation que vous entretenez avec elle. En sommes, même si vous avez pris toutes les références, cet aléa se gère au feeling humain et à la réputation des entrepreneurs, de leurs équipes.
2e aléa : L’aléa juridique compte tenu de la complexité de notre monde
L’architecte, l’ingénieur qui est le maître d’œuvre dirige et encadre le chantier confié à une entrepreneur. En théorie, il est responsable de tout…Mais outre le fait qu’ils ne peuvent pas tout contrôler, le cadre légal des constructions immobilières est d’une complexité sans pareil. Exemple en cas de malfaçon : S’il y a une assurance dommage ouvrage (DO), il faut commencer par la saisir en n’omettant pas toutes les mentions légales. S’il n’y a pas d’assurance DO, il est préférable de faire réaliser une expertise amiable quand les désordres sont complexes ou d’avoir un avis écrit d’un homme de l’art sur l’origine des problèmes. Et déclarer à l’assurance de l’entrepreneur les désordres. Si la DO ou l’assureur de l’entrepreneur refuse la mise en jeu des garanties, il faudra saisir l’ordre des architectes en même temps que l’entreprise avant d’aller en justice. Puis, vous pourrez assigner. Donc quand les assureurs ne jouent pas leur rôle, rien qu’avant de saisir les tribunaux : comptez bien 6 à 12 mois. Ensuite, par requête au TGI vous faites nommer un expert judiciaire : temps pour le faire nommer : 6 à 8 mois Vous le payez : 2500 à 3500€ pour commencer son expertise. Elle peut durer 1 à 3 ans… Enfin, vous assignez au fond et là si par malheur il y a une multitude d’entreprise et d’assureur : comptez 5 à 6 ans en première instance. S’il n’y a qu’une entreprise et son assurance, comptez 3 ans. Enfin, les assureurs comptant sur la durée et la qualité de leur service juridique, font souvent appel. Et là aussi comptez 2 à 3 ans de plus…Bref 10 ans pour solutionner un litige. Et cela s’est amélioré par rapport aux années 90… C’est dingue mais c’est ainsi.
3e aléa : l’aléa fiscal
Vous avez beau vous entourez de spécialistes, vous serez toujours confronté à des problématiques fiscales et des remises en cause. L’administration fiscale est toute puissante pour interpréter les textes, les modifier et inventer de nouveaux textes ou prétextes. Bien sûr que si vous êtes salariés, que vous possédez votre résidence, il y a peu de risque. Mais dès que vous achetez des biens de placement avec des options fiscales, vous ferez face à de multiples contrôles. Quand j’ai vendu mes premiers bureaux en 2011, j’avais consulté mon expert comptable, mon commissaire au compte, les deux notaires… tous me confirmaient qu’il n’y aurait aucun problème de TVA lors de la revente de mes bureaux meublés. Mais la loi avait changé en cours de route. Des choses ont été mal interprétés, si bien que j’ai bien eu un redressement de TVA. Ce redressement a abouti à une diminution de la plus-value. Mais globalement, ça aboutit à un règlement additionnel… Combien de procédure pour des soucis de contestation d’Isf? de contrôle sur les Malraux? Les changements incessants dans la fiscalité et l’absence totale de recul sur les conséquences de ces changements, alimente l’aléa et les litiges. L’immobilier en France étant probablement l’actif le plus taxé au monde cela n’encourage pas les investissements.
4e aléa : l’aléa économique : les locataires ou copropriétaires insolvables :
Pour les locataires : Nous avons l’obligation de vérifier la solvabilité et le sérieux des candidats locataires… Certes, le risque est faible pour un fonctionnaire ou un salarié en place depuis 15 ans dans une entreprise. Mais à Marseille, 25% à 40% de la population est en situation précaire, en CDD, sans qualification réelle ou sans compétence qui protège Cette frange importante de nos concitoyens sont soumis aux changements brutaux de leur entreprise ou de leur marché. Globalement, nous arrivons à gérer cet aléa sans difficultés majeures, dans 95% des cas. Pour 5% des cas, il y a des échéanciers et/ou du contentieux. Pour éviter cela, nous appliquons un process de sélection strict et rigoureux. D’autant que nous pouvons désormais détecter les faux papiers (passeport, bulletins de salaire…). Mais au bout de 8 ans, 10 ans de location la situation du locataire aura probablement changé et parfois s’être détériorée. Que pouvez vous faire dans ce cas ? Rien si ce n’est subir. En copropriété : Quand vous achetez dans un immeuble de 4 ou 5 copropriétaires et que par malchance un de vos voisins est en difficulté financière, vous savez ce qui se passe ? Vous devez avancer les charges qu’il ne peut pas payer, avancer les fonds correspondant à sa quote-part de travaux et financer la procédure. Oui car la procédure restera en plus à votre charge. Elle est considérée comme une charge commune générale. Une procédure de vente aux enchères coute environ 3000€ rien que pour les frais d’huissier et sans compter les frais d’avocat d’au moins 2000€. Combien de temps, cela peut durer : 5 ans entre le moment où la procédure commence et le moment où le syndic touche les fonds. Ne comptez pas sur les juges pour prendre en considération les difficultés des autres propriétaires car il n’est pas en mesure de les mesurer.
Les conséquences de ces aléas
La première conséquence : une perte de temps monumentale… tout tourne au ralenti. Nous avons trop de lois, trop de textes de loi, trop de complexité, trop de changements inutiles. Tout est lent. Tout dépend des juges et il faut assigner pour tout. Rien ne se règle à « la bonne franquette » en faisant confiance aux professionnels que nous sommes. Comme si nous étions tous des incapables et que nous avions besoin de cette lourdeur pour gérer nos immeubles et les occupants qui y vivent. Deuxième conséquence : les préjudices réels ne peuvent être estimés… même si l’expert et le juge sont très bons. Tout le temps que vous passez à traiter l’aléa est perdu. Le manque à gagner est difficile à estimer et à indemniser. Troisième conséquence : un coût des experts, des conseils, des avocats, des fiscalistes qui représente plusieurs milliers d’euros rien que pour être conforme et ne pas être emmerdé ou simplement pour faire valoir ses droits. Pour l’expertise judiciaire contre mon promoteur, nous devons en être à 40 000€ de frais. Et ceci sans parler pour le cas des permis de construire qui sont soumis à l’aléa du bon vouloir des maires, à ces guerres politiciennes d’un autre âge. Concluons en disant que ces aléas et le temps qu’on assassine sont les principaux freins dans nos métiers. Ils ont effet démoralisateur sur les investisseurs et tous les acteurs. Et pour limiter cet effet nocif, mieux vaut s’entourer des meilleurs… Et vous, comment gérez-vous l’aléa de l’immobilier ?
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